Portage Salarial & Spectacle: le Gouvernement affirme sa position
28/01/2013Depuis plusieurs années, le portage salarial a connu un essor dans de nombreux secteurs d’activité, y compris celui du spectacle vivant. Ce dispositif, permettant à un professionnel indépendant de bénéficier du statut de salarié tout en conservant une certaine autonomie, suscite de vives réserves de la part du Ministère de la Culture et de la Communication.
Dans une lettre envoyée en août 2012 aux préfets et aux directeurs régionaux des affaires culturelles, la ministre Aurélie Filipetti a réaffirmé une position stricte sur le sujet. Par la voix de Georges François Hirsch, directeur général de la création artistique, le Ministère met en garde contre les risques d’un recours massif au portage salarial dans le spectacle et insiste sur le respect du cadre législatif en vigueur.
Une réglementation incompatible avec le portage salarial
Le principal argument avancé par le Ministère repose sur le fait que l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles est strictement encadré par la loi. En effet, la détention d’une licence personnelle et incessible est une obligation pour toute structure souhaitant produire des spectacles. Le recours au portage salarial pourrait remettre en question cette exigence, en introduisant une tierce entité dans la relation entre l’artiste et l’entreprise de spectacles.
Le Ministère rappelle que l’interposition d’une personne ou d’une entité intermédiaire dans l’utilisation de cette licence est interdite par l’article L.7122-6 du Code du travail. Ainsi, toute entreprise de spectacles souhaitant engager un artiste en portage salarial doit apporter la preuve que la présomption de salariat entre l’artiste et l’entreprise de spectacles a été renversée. Cette exigence juridique limite considérablement les possibilités d’utilisation du portage salarial dans ce secteur.
Des conséquences directes pour les artistes et techniciens du spectacle
Outre l’incompatibilité juridique, le Ministère met en avant d’autres préoccupations, notamment en ce qui concerne l’assurance-chômage des artistes et techniciens du spectacle.
Pôle Emploi considère que les intermittents du spectacle travaillant sous un statut de portage salarial ne peuvent prétendre aux allocations chômage. La raison principale est que leur employeur, la société de portage salarial, ne relève pas du secteur du spectacle et ne peut obtenir le label « prestataire de services du spectacle vivant ». Ce point représente un obstacle majeur pour les artistes et techniciens qui, en optant pour le portage salarial, risquent de perdre leur éligibilité aux droits sociaux spécifiques aux intermittents.
Une volonté de préserver le modèle français du spectacle vivant
La position du Ministère illustre une volonté claire de préserver le modèle français du spectacle vivant, fondé sur une relation de travail encadrée entre les producteurs et les artistes. L’usage du portage salarial pourrait, selon les autorités, détourner les obligations légales de l’employeur et fragiliser le statut des intermittents, en remettant en question leur accès à l’assurance-chômage.
Face à ces constats, le Ministère demande aux services régionaux de surveiller attentivement les dossiers de renouvellement de licence d’entrepreneur de spectacles afin d’éviter tout contournement de la réglementation. Il préconise également de sensibiliser les élus et les collectivités locales aux risques que représente une utilisation excessive du portage salarial dans ce secteur.
Un débat toujours d’actualité
Si cette position gouvernementale date de 2012, la question du portage salarial dans le spectacle reste d’actualité. De nombreux professionnels du secteur continuent de s’interroger sur les alternatives possibles pour concilier flexibilité et protection sociale. Certains plaident pour une évolution du cadre réglementaire afin de mieux prendre en compte les réalités du marché du travail, tandis que d’autres défendent le maintien strict du modèle actuel afin de préserver les acquis sociaux des intermittents.
Quoi qu’il en soit, le débat reste ouvert, et toute évolution future du portage salarial dans le spectacle vivant devra nécessairement passer par une concertation entre les pouvoirs publics et les professionnels du secteur.