Quelle avenir pour la réforme de l’assurance chômage ?
28/06/2024Nous vous parlions il y a deux mois d’un nouveau projet de réforme de l’assurance chômage. Le gouvernement affiche la volonté de durcir les règles pour encourager un retour plus rapide à l’emploi. Mais la raison de cette troisième réforme en cinq ans est avant tout budgétaire : l’Unedic chiffre entre 4 et 5,4 milliards d’euros par an les économies attendues avec l’application des nouvelles règles. Un projet de décret a été présenté le 4 juin et un décret devrait bien être publié avant le 1er juillet malgré le contexte politique. Petit tour d’horizon des nouvelles mesures et de leur impact sur les demandeurs d’emploi.
Un durcissement des règles pour bénéficier de l’assurance chômage
Pour bénéficier de l’allocation de retour à l’emploi (ARE), il faut aujourd’hui avoir travaillé 130 jours à temps plein (ce qui correspond à 6 mois de travail) ou 910 heures sur les 24 derniers mois (sur les 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).
A partir du 1er décembre 2024, date d’application de la réforme, il faudra avoir travaillé 176 jours à temps plein (ce qui correspond à 8 mois de travail) ou 1 232 heures sur les 20 derniers mois (sur les 30 derniers mois pour les salariés de plus de 57 ans).
Pour rappel, avant le 1er novembre 2019, il fallait avoir travaillé 88 jours à temps plein (ce qui correspond à 4 mois de travail) ou 610 heures sur les 28 derniers mois (sur les 36 derniers mois pour les salariés de plus de 53 ans).
On observe clairement une tendance forte au durcissement des règles d’affiliation. La nouvelle réforme est particulièrement difficile sur ce point pour les salariés de 53 à 57 ans.
Une baisse de la durée d’indemnisation
Nous vous avions expliqué l’introduction de la contracyclicité lors de la dernière réforme de l’assurance chômage. Cette mesure consiste à faire varier la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi en fonction du contexte économique (du taux de chômage au sens du BIT fourni par l’Insee plus précisément).
Pour bien comprendre :
Avant la réforme de 2023, la durée maximale d’indemnisation était de 24 mois (30 mois pour les salariés de 53 et 54 ans et 36 mois pour les salariés de plus de 55 ans). La réforme de 2023 introduit une réduction de la durée d’indemnisation de 25 % lorsque le taux de chômage est inférieur à 9 %. Autrement dit, la durée maximale d’indemnisation est désormais de 18 mois (22,5 mois pour les salariés de 53 et 54 ans et 27 mois pour les salariés de plus de 55 ans).
La nouvelle réforme va encore plus loin.
- Elle réduit la durée maximale d’indemnisation à 20 mois (27 mois pour les plus de 57 ans). Ce qui a automatiquement l’effet, après application du coefficient de réduction de 25 %, de réduire la durée maximale d’indemnisation à 15 mois (22,5 mois pour les salariés de plus de 57 ans).
- Elle introduit une réduction de la durée d’indemnisation de 40 % lorsque le taux de chômage est inférieur à 6,5 %. La durée maximale d’indemnisation pourrait donc être réduite à 12 mois (18 mois pour les plus de 57 ans).
Un relèvement de la limite d’âge pour bénéficier de conditions allégées
Pour tenir compte d’un retour à l’emploi plus difficile pour les seniors, certains paramètres de l’assurance chômage, notamment les conditions d’affiliation et la durée maximale d’indemnisation, sont plus favorables pour eux. Reste à définir l’âge à partir duquel on bénéficie de ces conditions allégées.
Jusqu’à présent, on en bénéficiait à partir de 53 ans (avec un premier pallier senior pour les salariés de 53 ans et 54 ans et un autre pour les plus de 55 ans). La nouvelle réforme relève la limite d’âge à 57 ans pour tenir compte du relèvement de l’âge de départ à la retraite.
On le voit dans les deux premiers paragraphe, le relèvement de la limite d’âge a un impact marqué pour les salariés entre 53 et 57 ans. Ils se voient ainsi appliqués les règles classiques.
Pour compenser ce relèvement, le gouvernement prévoit un bonus emploi senior. Concrètement il s’agit d’accorder des conditions de cumul allocation – salaire plus favorable pour les salariés de plus de 57 ans pendant un an. L’objectif est ainsi d’encourager à la reprise d’un emploi moins rémunérateur.
Principe du cumul allocation salaire :
Un salarié percevait 3 000 euros avant la rupture de son contrat. Il perçoit 57 euros d’ARE. Il retrouve un travail de 2 100 euros. Il pourra cumuler ce salaire avec une partie de son ARE. Pour connaître son allocation, il faut appliquer la formule suivante :
[ 57*30 – 2100 * 70 % ] / 57 = 4,21 que l’on arrondit à 4 jours. Son complément versé par l’assurance chômage est de 4 * 57, soit 228 euros. Notre salarié perçoit donc 2 328 euros.
Si ce salarié a plus de 57 ans, il percevra après la réforme, un complément plus avantageux. Pour connaître son allocation, il faudra désormais appliquer la formule suivante :
[ 57*30 – 2100 * 40 % ] / 57 = 15,26 que l’on arrondit à 15 jours. Son complément versé par l’assurance chômage est de 15 * 57, soit 855 euros. Notre salarié de plus de 57 ans perçoit donc 2 955 euros pendant un an.
Une réforme jamais appliquée ?
Nous vous le disions en introduction, le contexte politique pourrait bien bouleverser l’application de cette réforme. Le gouvernement a l’obligation de publier un décret rapidement.
Les règles applicables en matière d’assurance chômage prennent fin le 30 juin 2024 comme le prévoit le décret du 21 décembre 2023 prorogeant temporairement les règles du régime de l’assurance chômage.
Il a visiblement fait le choix d’aller au bout de cette nouvelle réforme plutôt que d’envisager un nouveau décret de jointure pour gagner un peu de temps.
Il n’en reste pas moins que la réforme pourrait bien ne jamais être appliquée (les nouvelles règles sont applicables à partir du 1er décembre 2024) selon les résultats des prochaines élections législatives. Bien évidemment, nous ne manquerons pas de vous informer de la suite des événements.