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Assurance chômage, une réforme en suspens

11/08/2024

Annoncée le 1er juillet 2024, la réforme de l’assurance chômage présentée en mai a une première fois été repoussée au 31 juillet 2024. Puis, au vu de la situation politique complexe, elle a été reportée à nouveau par décret au 30 septembre 2024. Le Conseil d’Etat aurait depuis conseillé de proroger une nouvelle fois « les dispositions réglementaires relatives aux règles d’indemnisation et de contributions du régime d’assurance chômage », c’est chose faite avec encore nouveau un décret publié qui nous amène cette fois au 31 octobre. Le prochain gouvernement aura donc la charge de faire passer la réforme en l’état ou de la renégocier, ou de ne rien changer aux règles actuelles. Difficile de se projeter dans cet océan d’incertitude…

 

nouvelle-reforme-assurance-chomage

Mais quel suspens !

Trois reports déjà, pour une réforme si peu attendue…

Après avoir rappelé rapidement les principales mesures du décret actuel et ses conséquences pour les demandeurs d’emploi, nous allons conjecturer sur ce qu’il peut advenir de cette réforme avec les forces en présence à l’Assemblée nationale.

La réforme de l’assurance chômage : il ne fait pas bon être demandeur d’emploi

L’assurance chômage devait donc faire l’objet d’une nouvelle réforme de ces règles d’indemnisation : la troisième en cinq ans. Si elle passait en l’état, elle impacterait durement de nombreux salariés involontairement privés de leur emploi à compter du 1er décembre 2024.

Les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi avaient déjà été « aménagées » le 26 janvier 2023. La durée d’indemnisation avait été diminuée de 25 % pour passer de 24 à 18 mois. Cette diminution est la conséquence directe de l’introduction d’une variation de la durée d’indemnisation en fonction du contexte économique du pays.

En d’autres termes, si le taux de chômage baisse, la durée de l’indemnisation baisse également, si le taux de chômage augmente, la durée de l’indemnisation augmentera également.

2024, on ne change pas une équipe qui gagne, pas plus que celle qui perd d’ailleurs, à savoir les demandeurs d’emploi :

  • L’accès à l’assurance chômage est rendu plus difficile: les règles actuelles prévoient qu’il faut travailler 6 mois à temps plein sur les 24 derniers mois pour être indemnisé, il faudra si la réforme passe travailler 8 mois à temps plein sur les 20 derniers mois (ou les 30 derniers pour les plus de 57 ans) ;
  • Nouvelle baisse de la durée d’indemnisation. La durée d’indemnisation pourrait varier en fonction du contexte économique entre 12 et 20 mois après la réforme contre 18 à 24 mois aujourd’hui. Au taux de chômage actuel, la durée d’indemnisation passerait de 18 mois à 15 mois.
  • Relèvement de la limite d’âge permettant de bénéficier d’une durée d’indemnisation allongée. On passe de 53 à 57 ans. Les « seniors » de 53 et 54 ans sont les plus durement touchés. Ils se verraient désormais appliquer la durée classique : 15 mois, contre 22,5 mois aujourd’hui. La durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi de 55 et 56 ans serait également fortement diminuée passant de 27 mois à 22,5 mois.

Comme quoi, il vaut mieux parfois être dans le doute et l’indécision quant à son avenir que dans la certitude qu’il se passera mal.

 

Politique fiction : assurance chômage, réforme or not réforme ?

La réforme actuelle présentée le 27 mai, avait provoqué l’ire de toutes les organisations syndicales.  Plus unies que jamais (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) ont conjointement signé un communiqué de presse pour exhorter le gouvernement à « renoncer à la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue »

Côté politique, pas beaucoup plus de succès, le Nouveau Front Populaire (NFP) comme le Rassemblement National (RN) n’en veulent pas et ont promis son abrogation pure et simple…

Assemblée nationale

Concrètement que peut-il donc se passer le 1er novembre 2024 ?

Tout d’abord, le gouvernement actuel peut-il valider le décret en l’état ?

Non… En effet, le mardi 16 juillet en Conseil des Ministres, la démission du gouvernement du Premier ministre Gabriel ATTAL a été acceptée. En attendant son remplacement, il ne peut donc plus qu’expédier les affaires courantes.

On rappellera ici pour les amoureux du droit que cette notion est une vraie catégorie juridique, inscrite dans la Constitution de la Vème république et reprise dans des décisions du Conseil d’Etat. La plus Haute juridiction administrative les définies comme des mesures de détail nécessaires au bon fonctionnement ordinaire de l’administration, dépourvues de toute initiative nouvelle et de toute volonté de modifier le droit applicable.

Donc le gouvernement actuel ne peut pas passer de réforme majeure, et donc l’hypothèse qu’il tente de passer en force cette réforme est peu envisageable.

Ainsi nous devrons attendre la désignation d’un nouveau gouvernement pour savoir ce qu’il se passera ensuite, mais là encore, entre motion de censure spontanée ou provoquée, la nouvelle saison de politique fiction ne fait que commencer …