Interview d’Adrien VINCENT, nouveau Président du PEPS
13/01/2025L’équipe du Guide tient tout d’abord à vous souhaiter à toutes et à tous une très belle année 2025, avec des missions à gogo, des appels d’offres en veux-tu en voilà, quelques certitudes (politiques et économiques ?) et bien sûr et surtout la santé et la joie pour vous et vos proches !
Quoi de mieux pour commencer l’année qu’une interview d’Adrien VINCENT, nouveau Président du PEPS, pour commencer l’année sur une note positive !
C’est parti !
Avant de commencer, peux-tu rapidement présenter ton parcours ?
Je suis juriste de formation, diplômé en droit des affaires à l’université de Toulouse. Je suis également diplômé de l’IAE de Poitiers, d’un master en marketing et intelligence économique. Après mes études, je me suis dirigé dans le contrôle de gestion et j’ai rapidement travaillé dans un groupe pharmaceutique. Toujours dans le même domaine de compétences, je suis passé par le secteur industriel et enfin, en 2016, j’ai fait mon premier pas dans le portage salarial en rejoignant l’entreprise familiale, 2i portage, créée par mon père en 2008
Il avait à cette époque pour projet de céder l’entreprise à moyen terme, et je souhaitais de mon côté m’inscrire dans un projet de reprise. Je suis aujourd’hui président du groupe 2i, maison mère de 2i Portage, et actionnaire majoritaire. 2I portage était une très belle société toulousaine, une entreprise provinciale dynamique, ce qui fait que je suis vite tombé dans la marmite. J’ai tout de suite compris l’utilité et la force du système du portage salarial.
Une chose qui me caractérise est que je suis passionné par le développement, faire grandir les choses. 2i Portage est passée en moins de 10 ans de la belle entreprise de province à l’un des grands acteurs nationaux du portage salarial. En même temps ce résultat est en corrélation avec l’augmentation globale du CA du secteur, passant en quelques années de 300 000 000 d’euros à près de 1,5 milliard.
Tu es présent depuis plusieurs années au sein du PEPS, pourquoi cette volonté de t’impliquer « syndicalement » ?
Je me suis impliqué politiquement parce que selon moi, c’était le meilleur moyen de comprendre le métier sous toutes ses facettes. J’ai aussi la fibre syndicale et je suis un passionné, par mon métier et sa défense.
Je suis administrateur au PEPS depuis 2016, le PEPS qui était déjà à l’époque la principale organisation patronale du secteur.
J’ai ensuite gravi les échelons petit à petit. Trésorier de 2018 à 2022, vice-président en 2022 et enfin président depuis peu.
Être le porte-parole des entreprises du secteur est une autre façon pour moi de faire rayonner cette formidable solution qu’est le portage salarial.
Le portage est aujourd’hui à la fois puissant et fragile : il bouscule les codes au sens littéral et figuré. Mais le dispositif reste fragile, parce que le statut peut être mis à mal par le législateur ou de nouveaux acteurs extérieurs. On a besoin de le consolider, et ce sera mon travail et celui de toute l’équipe du PEPS qui m’accompagne : rendre le portage salarial incontournable.
Le marché du portage s’est beaucoup développé ces dernières années, notamment depuis la création de la convention collective. C’est quoi ta vision du secteur dans 5 ans ?
Ma vision prospective en termes macro, qui va au-delà du portage salarial, est empreinte de questionnements : au niveau économique, écologique, diplomatique, géopolitique… Les sujets d’inquiétudes sont nombreux.
Sur le portage, je suis plus optimiste.
Le secteur réagit bien aux crises pour deux raisons principales :
- Quand une entreprise n’a pas de visibilité, elle cherche des outils de flexibilité ;
- Dans les temps de crise, les secteurs résilients se portent bien et ce sont les secteurs où il y a le plus de freelances et donc de salariés portés (informatique, management de transition…)
Le portage est complètement greffé aux deux sujets : le salarié porté est un freelance qui bénéficie de la protection sociale du salariat certes mais c’est un freelance avant tout, et l’informatique est le secteur le plus représenté dans le portage salarial.
Si le premier semestre 2025 risque d’être incertain économiquement, je suis tout de même optimiste à moyen terme. On s’attend à une reprise au second semestre 2025, et en 2026 les entreprises vont préparer l’après crise, et pour cela elles auront besoin de flexibilité, tout comme les indépendants auront besoin d’accompagnement et de protection. Ma certitude est que le portage salarial sera l’un des outils de cette reprise.
Selon moi, le portage salarial, dans 5 à 10 ans sera une des composantes naturelles de l’entreprise nouvelle génération : un bel outil de flexibilité et de simplification pour les entreprises, et de sécurisation pour les indépendants.
On est et sera toujours un acteur qui compte dans l’emploi.
Quels changements tu as envie de porter pendant ton mandat ?
Trois sujets me semblent particulièrement importants dans le contexte qui nous attend :
- Continuer de sécuriser et solidifier le statut du portage salarial et les entreprises de portage salarial (EPS) qui en font la promotion : il est malheureusement encore malmené par certains acteurs. Parmi les belles actions réalisées par l’équipe précédente on peut citer la création du Label du portage salarial construit avec l’AFNOR qui prévoit tout de même des audits des EPS tous les 18 mois ! C’est un 1er pas dans la sécurisation. Il faut donc promouvoir ce label ! L’objectif derrière est simple : que les personnes aient confiance dans ce statut, et qu’elles choisissent le portage salarial quand elles veulent se lancer à leur compte. C’est un combat sur le long terme.
- S’ouvrir en termes de notoriété aux entreprises clientes : il faut que l’on assume plus et mieux notre rôle de simplificateur pour les entreprises. Il faut rappeler que le portage réduit la chaîne de sous-traitance, et propose un cadre sécurisé, notamment en évitant les risques liés à la sous-traitance. Cela se développe petit à petit, il y a par exemple de plus en plus d’appels d’offres public et privé de portage salarial, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ans.
- Accompagner les indépendants grâce au portage salarial : nous ne sommes pas là uniquement pour transformer le chiffre d’affaires des portés en salaire ! Il faut rappeler la genèse du portage salarial : la promesse de l’époque était de former et d’accompagner des cadres vers l’emploi, rien n’a changé depuis, ou plutôt si : plus de personnes sont concernées et les accompagnements et la protection sont sans cesse améliorés !
Quelles actualités au sein de la branche en ce moment ?
La négociation sur la formation professionnelle nous occupe beaucoup avec les partenaires sociaux. Les organisations syndicales (OS) défendent un modèle de portage salarial d’accompagnement des personnes qui choisissent ce statut, et là-dessus, vous l’avez compris, nous sommes d’accord.
Un autre combat que nous menons, c’est le sujet de l’érosion des prix dans notre métier : les marges se sont effondrées ces dernières années. C’est un effet marché classique. Le marché grandit vite, se concentre. Des acteurs arrivent avec des propositions low cost, mais forcément moins de protection ou moins d’accompagnement, et dans tous les cas un modèle économique fragile, et in fine à risque pour les portés. Comment préserve-ton dès lors les EPS qui font bien le job et comment éduquer les nouveaux venus. Comment protège t’on aussi les EPS françaises face à des sociétés venues de l’étranger qui cherchent uniquement des effets de dumping social…
Notre devoir est de mettre des barrières à l’entrée et d’éduquer le marché sur ce que l’on peut faire et surtout ne pas faire !
De mon point de vue, le mirage du « modèle Uber » où l’on profite d’une levée de fonds afin de casser les prix et gagner le leadership du secteur est difficilement transposable au modèle économique du portage salarial. Bien sûr certains essaient, et je ne leur reproche surtout pas : c’est la vie normale d’un marché comme le nôtre. L’effet négatif à court terme est une baisse effective des prix du marché. Mais je suis confiant : à un moment donné, il faut quand même-être rentable, c’est le bas de bilan qui est juge de paix.
En mon sens on ne peut pas réinventer ou disrupter le portage, c’est déjà une réinvention en soit ! En revanche innover oui, ce statut est né pour évoluer et s’adapter aux besoins des personnes et des entreprises !