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Du labeur à l’ouvrage : un livre phare, vers l’avenir du travail

28/11/2019

Quand on parle avenir du travail, cela attire forcément l’attention du Guide du Portage salarial. Cette forme d’emploi a été, et reste toujours par sa modernité, une formidable solution pour les personnes en quête d’autonomie, de sens, et de sécurité. L’œuvre de Laetitia VITAUD, « du labeur à l’ouvrage », parue aux éditions CALMANN LEVY le 16 septembre dernier, nous a donc forcément questionnés sur la place du portage dans cet avenir du travail que l’auteure appelle de ses vœux.

Laetitia VITAUD est une auteure, conférencière et fondatrice de la société Cadre Noir, qui fait aujourd’hui référence sur les questions liées au futur du travail, à la transformation de l’emploi et à la consommation.

Son livre confirme, s’il en était besoin, la qualité de l’expertise de cette ancienne enseignante qui s’est intéressée à ces sujets, il y a maintenant plus de 10 ans.

Retour sur quelques-uns des thèmes abordés dans ce livre riche et documenté qui retrace notre passé économique et social afin de nous donner des clés essentielles pour mieux appréhender l’avenir.

La crise du labeur : la fin d’une promesse ?

Les transformations technologiques et numériques de notre société, en accélération constante, ne se font pas sans heurts. Elles bouleversent nos modes de consommation, de vie et nos institutions fondées sur un modèle social qui peine à suivre la vitesse des changements induits. Pour comprendre cette crise que nous traversons, il faut comprendre d’où nous venons.

C’est cet éclairage que nous propose Laetitia VITAUD dans son livre « Du labeur à l’ouvrage » en décryptant dans un premier temps les grandes révolutions qui ont jalonné et construit notre société. « Le XXe siècle » écrit-elle « a donné naissance à l’économie de masse : la production de masse, les médias de masse, l’école de masse ». Le système fordiste en était une parfaite incarnation au siècle dernier, et c’est à une révolution technologique qu’on la doit : l’automobile.

Le salariat s’est imposé « comme un pilier de cette économie ». Il est en effet devenu au fil des années, au gré de grandes réformes et de conquêtes syndicales, un passeport économique et social incontournable, gage de sécurité et de stabilité, non sans sacrifices sur la qualité et le sens du travail.

Notre système de protection sociale s’est construit autour de cette norme. Les organisations syndicales ont fondé leur représentation politique autour de ce statut. Mais force est de constater que depuis de nombreuses années, ce modèle né à l’ère de la révolution industrielle, perd peu à peu ses garanties, et par la même son attrait.

Le « deal » de départ entre le salarié et l’employeur s’est peu à peu déséquilibré, jour après jour : « Le monde du travail est en crise car le contrat fordiste qui rendait la division du travail, la subordination et la relative aliénation acceptables se fissure. Les contreparties du labeur du XXe siècle – stabilité de l’emploi, promesse d’enrichissement, représentation politique, sécurité sociale, etc. – disparaissent peu à peu » selon l’auteure. « Et quand on ne souffre pas de conditions matérielles précaires ou insuffisantes, on souffre du manque de sens ». Constat d’un déséquilibre de plus en plus subi, dont chacun d’entre nous est témoin.

L’auteure ne se contente pas de dresser ce constat, elle nous propose de le dépasser et nous invite dans la suite de son livre à (ré)inventer notre rapport au travail.

Repenser notre rapport au travail ou comment passer « du labeur à l’ouvrage »

La justesse de l’analyse de Laetitia VITAUD sur la profonde mutation économique et sociale de notre société, et ses conséquences sur notre rapport au travail, interpelle.

« L’économie de masse se meurt », selon l’auteure, mais « l’aliénation lui survit » au sein des entreprises avec une crise de sens d’un nombre toujours plus grand de salariés, et ce malgré la promesse d’émancipation promise par la technologie qui est loin d’être toujours tenue.

De manière concomitante, « la consommation se transforme », « et change progressivement de nature » : la consommation de services augmentant de manière significative, notamment dans les grandes métropoles. Si ce changement ne touche pas encore toutes les catégories sociales, et reste plus mesuré dans les zones rurales, il influence et esquisse les nouveaux modèles de consommation de demain. Les services de proximité, dont la relation humaine est l’essence même, sont difficiles voire impossibles à automatiser, et incarneront selon l’auteure de plus en plus l’avenir du travail.

Laetitia VITAUD revalorise ainsi les services de proximité, délaissés par les logiques de productions de masse, et donc à faible valeur économique et par voie de conséquence peu mis en avant socialement. Elle expose avec justesse la richesse intrinsèque de ces métiers de sens, tellement essentiels et qui créent « une valeur infinie » et auxquels nous ferons de plus en plus appel.

Mais comment faire face à tous ces changements ?

Pour esquisser sa vision d’un avenir possible du travail, Laetitia VITAUD puise dans les valeurs de l’artisanat.

L’artisanat, dont l’ouvrage est l’essence, peut se définir « par ses caractéristiques propres d’autonomie, de créativité et de responsabilité ». C’est l’opposé du labeur qui évoque davantage l’idée « de souffrance par l’effort extrême ». L’étude sémantique de ces deux mots peut résumer à elle seule la philosophie de l’auteure sur la place et la revalorisation possible du travail.

L’artisanat selon Laetitia VITAUD ne doit pas être uniquement vu « comme un secteur d’activité », mais comme « un type de travail qui peut s’appliquer à de nombreux secteurs, et concerner le boulanger comme le programmeur informatique et le prestataire de soins de proximité ».

L’auteure s’inspire des travailleurs indépendants (ou freelances), dont elle préfère l’appellation de « travailleurs autonomes », l’indépendance économique face à des clients étant relative, qui préfigurent selon elle ce passage du labeur à l’ouvrage, et qui peuvent « polliniser » les entreprises et influencer positivement leur organisation.

Selon elle, « la notion d’artisanat peut contribuer à transformer le travail dans les entreprises traditionnelles » et ce même « dans le cadre du salariat ». « La crise de sens et l’ennui dont souffrent un nombre croissant de salariés » étant une forme « d’aliénation qui peut trouver son remède dans les fondements de l’artisanat ».

Ce n’est pas tant la fin du salariat que l’auteure appelle de ses vœux que sa transformation pour être plus en phase avec l’aspiration des femmes et des hommes qui l’incarnent : la liberté de travailler différemment, de manière plus autonome afin de mieux gérer son temps, prendre part à la création de richesse et redonner du sens à ce que l’on fait : en d’autres termes faire partie de la chaîne de valeur, et ne plus en être un simple maillon.

Cela n’est pas sans rappeler le rôle que joue les salariés portés, à cheval déjà sur les deux mondes, travailleurs autonomes par nature, s’inspirant de leurs multiples expériences et les partageant à travers leurs missions.

Comme le dit l’auteure, « nous ne sommes qu’au début du chemin » pour passer « du labeur à l’ouvrage ». Mais c’est grâce à ce genre d’ouvrage justement, qu’il sera plus facile de l’arpenter.