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Portage salarial : baisse de la rémunération minimale conventionnelle

07/11/2024

En pleine tourmente politique (l’extension intervient 6 jours avant la démission du gouvernement de Gabriel Attal), l’avenant n°12 relatif à la classification et à la rémunération était étendu. Cet avenant s’applique désormais à tout le secteur du portage salarial. Concrètement, qu’est-ce que cela change pour les salariés portés ? Explications du Guide du portage salarial.

Une baisse de la rémunération minimum en portage salarial

Alors que l’inflation française a atteint des niveaux historiquement hauts ces deux dernières années (5,2 % en 2022 et 4,9 % en 2023 après 10 ans sous la barre des 2 %) et que la plupart des branches ont choisi de relever leurs minima conventionnels pour limiter la perte de pouvoir d’achat de leurs salariés, le secteur du portage salarial emprunte une autre voie.

L’extension de l’avenant n°12 signé par la CFE-CGC, la CFDT et la CFTC côté syndical et par les deux principales organisations patronales du secteur (le PEPS et la FEPS) abaisse ainsi la rémunération minimum conventionnelle à 69 % du plafond de la sécurité sociale 2017 (2 255 euros bruts par mois pour un temps plein) pour tout le secteur.

Les partenaires sociaux seraient-ils devenus fous ?

Pas vraiment, vous vous en doutez. La rémunération minimale conventionnelle du portage salarial n’est en rien comparable avec celle des autres secteurs. Elle fait office de barrière à l’entrée. Seuls les consultants en mesure de négocier des tarifs suffisamment élevés pour permettre de se verser ce minimum peuvent accéder au portage salarial et à tous ses avantages.

La baisse de cette rémunération minimum ouvre automatiquement l’accès du portage salarial à un plus grand nombre de consultants indépendants. Une nécessité si l’on en croit les explications des signataires de l’avenant.

Ils se sont notamment appuyés sur une étude sur la rémunération des cadres et agents de maîtrise pour évaluer la possibilité de baisser le minimum conventionnel.

Les conclusions de cette étude montraient que les dispositions conventionnelles en matière de rémunération minimale empêchaient en pratique, près de 27 % des actifs susceptibles de recourir au portage avec de fortes disparités régionales (près de 34 % en Bretagne par exemple).

Cette décision a deux principales conséquences :

  • Elle ouvre le portage salarial à un plus large public comme nous venons de le voir ;
  • Elle réduit la rémunération perçue par les salariés portés avant paiement de leurs clients.

Ce dernier point est un peu technique et nécessite une plus longue explication.

En portage salarial, le salaire d’un salarié porté est souvent versé en deux temps : un paiement du salaire minimum conventionnel assorti d’une prime après paiement de son client.

Concrètement, un salarié porté effectue une prestation en janvier auprès d’un de ses clients. En fin de mois, il remplit le compte rendu d’activité envoyé par son entreprise de portage. La facture est émise par son entreprise de portage sur cette base et envoyée à son client.

Début février, il perçoit la rémunération minimum correspondante au nombre de jours de travail déclarés. Ce n’est qu’après paiement intégral de la facture par son client qu’il reçoit un complément de salaire (si le TJM qu’il pratique le permet).

Le risque de défaut de paiement est ici partagé entre le consultant et son entreprise de portage sur la partie supérieure au minimum conventionnel.

La baisse du minimum conventionnel accroît légèrement le risque d’impayé pour les salariés portés.

À noter : certaines entreprises de portage font le choix de verser une avance complète de salaire, assumant seule le risque de défaut de paiement.

 

freelance en portage salarial

Une nouvelle classification pour les salariés de la branche

La baisse de la rémunération minimum conventionnelle s’est également accompagnée d’une réflexion sur la classification des salariés portés.

Dans l’ancienne classification, les partenaires sociaux avaient défini 3 niveaux :

  • Salarié porté junior ;
  • Salarié porté senior ;
  • Salarié porté au forfait-jour.

A chacun de ces niveaux correspondait une rémunération minimum conventionnelle :

  • 77 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté junior ;
  • 83 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté senior ;
  • 94 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté en forfait jour.

L’avenant n°12 modifie la classification existante. Exit les 3 niveaux, place à 4 échelons :

  • Salarié porté premier niveau. Cette position est ouverte au salarié porté qui, à partir d’une proposition d’intervention qu’il négocie directement avec un client, met en œuvre, concrétise et réalise une prestation simple conformément aux demandes du client. Cette prestation en portage salarial implique pour le salarié porté de prendre en compte, avec toute la maîtrise souhaitable, les contraintes inhérentes au client. Un salarié porté ne peut rester à ce niveau pour une durée supérieure à 24 mois pour des missions de même nature.
  • Salarié porté junior. Cette position est ouverte au salarié porté qui, pour négocier et réaliser l’exécution d’une prestation doit prendre des initiatives et assumer les responsabilités afférentes. Il peut notamment intervenir pour qualifier les besoins de son entreprise cliente, proposer des évolutions et participer à leur exécution.
  • Salarié porté senior. Cette position est ouverte au salarié porté qui négocie l’exécution de prestations complexes, et dont la conduite implique un important niveau d’initiative et de responsabilité. La conduite de cette prestation exige une expérience professionnelle acquise préalablement dans le même domaine et la mobilisation de compétences à forte valeur ajoutée.
  • Salarié porté expert. Cette position est réservée au salarié porté qui négocie l’exécution de prestations particulièrement complexes et dont la conduite implique un très large niveau d’initiative et de responsabilité. La conduite de cette prestation exige une forte expérience professionnelle acquise antérieurement dans le même domaine et la mobilisation de compétences et d’une expertise à très forte valeur ajoutée.

A chacun de ces 4 échelons correspond là encore une rémunération minimale conventionnelle :

  • 69 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté de premier niveau ;
  • 77 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté junior ;
  • 83 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté senior ;
  • 94 % du plafond de la sécurité sociale 2017 pour un salarié porté expert.

On ne peut pas parler d’une révolution 😊.

La nouvelle classification renomme la position salarié porté au forfait-jour en salarié porté expert (les salariés portés classés “ seniors ” ou “ expert ” sont éligibles au dispositif de forfait en jours) et ajoute un premier échelon qui ouvre l’accès au portage salarial à un plus grand nombre de personnes.

Il sera intéressant de mesurer l’impact de cette mesure sur le marché dans les prochains mois, notamment en regardant si de nouveaux profils / métiers se tournent désormais vers le portage salarial plutôt que la micro-entreprise.