Seuil unique de TVA : opportunité pour le portage salarial ?
13/03/2025La mise en place d’un seuil de TVA unique à 25 000 euros par la loi de finance 2025 a suscité de nombreuses réactions. Cette mesure aurait dû s’appliquer au 1er janvier de cette année mais c’était sans compter la levée de boucliers des représentants de cette forme d’emploi née en 2009, mais aussi de personnalités politiques et bien sûr bon nombre de micro-entrepreneurs.
On vous fait un petit récap avec l’équipe du Guide : pourquoi cette mesure provoque-t-elle tant d’émoi, où en est-on aujourd’hui à la suite des concertations qui se sont tenues ces dernières semaines, et bien sûr comment le portage salarial pourrait sortir son épingle du jeu.
Nouveau seuil de TVA, mais pourquoi tant d’émoi ?
Revenir sur une promesse provoque rarement l’allégresse.
La promesse de l’auto-entreprise, devenue micro-entreprise en 2016, est triple :
- Accessibilité : tout le monde, quel que soit son niveau d’études et son expérience peut se lancer sous ce régime ;
- Simplicité : pour s’immatriculer bien sûr mais aussi dans la gestion quotidienne de son activité, notamment en termes administratifs et financiers permettant au freelance de se focaliser sur son cœur de métier ;
- Stabilité : des règles claires et simples qui ont caractérisé cette forme alternative d’activité (FAA) depuis son origine, permettant à près de 3 millions de personnes de devenir micro-entrepreneurs.
Il aura suffi d’un énième gouvernement éphémère et d’un lobbying d’un autre âge pour remettre en cause 16 ans de bons et loyaux services. La micro-entreprise n’a-t-elle pas permis aux gouvernements successifs de se targuer de faire baisser drastiquement le nombre de demandeurs d’emploi ?
Bref, cette mesure de seuil unique de franchise de base de TVA a rappelons-le un double objectif :
- Entre 400 et 700 000 millions d’euros de recette fiscale supplémentaire annuelle attendue (les chiffres varient selon l’origine) ;
- Mettre fin à une forme de « concurrence déloyale » de cette franchise de base de TVA qui s’applique principalement au régime de la micro-entreprise selon la ministre des comptes publics Amélie de MONTCHALIN.
Concrètement, les conséquences de ce nouveau seuil pour les micro-entrepreneurs est potentiellement triple :
- Ajouter de la complexité administrative et comptable au régime, voire des coûts supplémentaires (si un expert-comptable est par exemple nécessaire pour gérer le dépassement du seuil) et ce au-delà de l’arrachage de cheveux attenant à toute question administrative…
- Une augmentation du coût de la prestation des micro-entrepreneurs, notamment pour les clients particuliers, puisqu’ils devront facturer de la TVA à leurs clients…
- Et surtout comme le déclare François HUREL dans sa récente Tribune dans le Journal du Dimanche : la perte de confiance de près de 3 000 000 de personnes face à cette instabilité législative, fort pesante il faut bien le reconnaître dans notre pays.
Coup dur qui devrait toucher plus de 250 000 personnes selon le Président de la FNAE…
Suite de la concertation : la fronde gronde toujours
Devant la colère de l’UAE et de la FNAE et la pression de certains députés (voir la tribune de Gabriel ATTAL « Encourageons le travail, ne punissons pas les auto-entrepreneurs ») cette mesure a été suspendue jusqu’au 1 juin 2025 par le ministre de l’Économie Eric LOMBARD en attendant une concertation avec les parties prenantes.
La concertation a pris fin le 28 février.
A date, pas de réel accord trouvé avec les différentes parties prenantes. La preuve en est cette proposition de manifestation de la FNAE le 25 mars, qui fort de ses 80 000 adhérents, propose des regroupements dans une quinzaine de villes pour manifester et demander le retrait pur et simple de la réforme.
Au micro de RMC, le 3 mars dernier, Véronique LOUWAGIE, ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat, des PME et de l’économie sociale et solidaire, a évoqué la possibilité d’instaurer deux seuils différents d’exemption de TVA, un pour les micro-entrepreneurs du secteur du bâtiment, et un pour les autres qui s’élèverait à 37 500 euros.
Ainsi les micro-entrepreneurs dont le type d’activité est la prestation de service et l’activité libérale ne verraient pas leur seuil de TVA bouger. En revanche, pour ceux qui exercent des activités de livraisons de biens et prestations de service, de ventes à consommer sur place et de prestations d’hébergement, la douche reste froide (au lieu de glacée) passant d’un seuil de 85 000 euros à 37 500 euros.
C’est malin, cela va potentiellement diminuer l’intensité de la fronde, en impactant une plus petite portion de micro-entrepreneurs tout en remplissant l’un des objectifs initiaux : éviter la concurrence avec les artisans et commerçants qui sont historiquement vent debout contre ce régime et ce depuis son origine.
Notons par exemple que la fédération française du bâtiment demande la même exemption que l’agriculture. En effet, on ne peut pas exercer une activité agricole en tant que micro-entreprise. Rééquilibrage souhaité donc, notamment fiscal, mais la question que l’on peut se poser, c’est pourquoi ne pas simplifier les règles pour les artisans du bâtiment plutôt que de complexifier celles d’un régime permettant à 3 000 000 de personnes d’exercer une activité ?
Dit autrement, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué…
Notons tout de même que selon les dernières statistiques de l’URSSAF sur le sujet, le bâtiment est le premier secteur d’activité chez les micro-entrepreneurs, et dépasse largement le milliard d’euros de chiffre d’affaires pour la seule année 2024 (bâtiment gros œuvres, bâtiment travaux de finition et BTP travaux d’installation).
Seuil de TVA unique : une opportunité pour le portage salarial
Bon nombre d’entrepreneurs du portage salarial ont, depuis cette annonce, appelé les micro-entrepreneurs à venir grossir leurs rangs !
C’est de bonne guerre, et en même temps les arguments ne manquent pas.
Au-delà des aspects administratifs simplifiés proposés par les EPS, et de l’accompagnement humain dont bénéficie le salarié porté freelance grâce à celle-ci, il rejoint une forme d’emploi qui a de la bouteille et qui a su faire face aux aléas législatifs.
Disons-le, cela a parfois du bon d’être vieux 😉. Le portage salarial profite effectivement de son âge et de son expérience puisqu’il est né à la fin des années 90. Après la mise en place de l’ordonnance de 2015 qui est un point d’étape important dans la sécurisation du secteur, les partenaires sociaux ont choisi de conclure une convention collective de branche dédiée aux salariés portés, signée à l’unanimité le 22 mars 2017. Objectifs : s’assurer de la prise en compte des spécificités de ce statut, et garder la main sur l’avenir du dispositif.
Depuis, le secteur bénéficie d’une sorte de « sanctuarisation » favorisant une croissance annuelle moyenne de 20 %.
Cette « sanctuarisation » par le dialogue social est surtout gage de stabilité : législative et économique.
En sus, la micro-entreprise souffrait déjà, malgré une harmonisation des droits en termes de protection sociale des indépendants avec le salariat, d’une carence en termes de protection sociétale à laquelle le portage salarial répond parfaitement.
En effet, au-delà de l’assurance chômage qui n’est légitimement pas un droit ouvert aux indépendants, sans le sacrosaint CDI à la française, difficile aujourd’hui dans notre pays d’acheter, d’emprunter voire de louer tout simplement.
Le portage salarial vous le savez présente l’avantage majeur de permettre aux freelances qui choisissent cette voie d’être à l’égal des salariés face aux banques et aux propriétaires. Et en période d’incertitude économique, c’est un sacré atout !
Finalement on peut tout de même regretter que plutôt que de s’atteler à régler ces questions sociétales pour une grande majorité d’indépendants, le gouvernement enchaîne les coûts de canif à un dispositif qui a su répondre à de nombreuses attentes depuis 2009. En créant une instabilité juridique, il touche le talon d’Achille des entrepreneurs : la confiance ! Et l’instabilité juridique est clairement, en France encore plus qu’ailleurs, la plus grande inconnue à laquelle doit faire face un créateur d’entreprise.
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