Le portage salarial et l’URSSAF : une histoire d’incompréhension ?
08/10/2019Alors que le portage salarial offre une solution simplifiée à des entrepreneurs pour se lancer, sans avoir à créer de société propre, et tout en bénéficiant des avantages sociaux du salarié, ce statut a longtemps été incompris par l’URSSAF, l’organisme qui gère la sécurité sociale des indépendants. Explications du Guide du Portage.
URSSAF et Portage Salarial : une relation historiquement compliquée
Le portage salarial est une forme d’emploi atypique. Malgré son ancienneté (le portage salarial fait son apparition à la fin des années 80), sa philosophie reste encore difficile à appréhender pour les non-initiés.
Son positionnement à la frontière du salariat classique et du travail indépendant et sa complexité (relation tripartite ; transformation du chiffre d’affaires en salaire ; conditions d’entrée …) lui valent régulièrement d’être au cœur de batailles juridiques.
Avant la publication de l’ordonnance du 2 avril 2015, les salariés portés ont longtemps été considérés comme des indépendants par Pôle Emploi. Ils ne pouvaient donc pas bénéficier de l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi (ARE) alors qu’ils cotisaient au régime d’assurance chômage au même titre que les salariés du secteur privé.
Aujourd’hui, le débat s’est déplacé autour de questions liées aux pratiques des entreprises de portage en matière de paiement des cotisations sociales salariales et patronales.
De nombreuses entreprises de portage salarial font ainsi part de cas de redressement par l’Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF).
Ces redressements concernent principalement deux sujets : le lieu de travail et le temps de travail.
Le lieu de travail en portage salarial
En portage salarial, le lieu de travail est souvent hybride. Un salarié porté est confronté aux mêmes situations qu’un travailleur indépendant, il peut ainsi être amené à travailler de son domicile, chez un client ou encore dans un espace de coworking.
Si ce sujet peut paraître technique et peu impactant de prime abord, il a en réalité des conséquences directes sur la rémunération du salarié porté (Pour en savoir plus, voir l’article optimiser sa rémunération).
Sous réserve de présenter les justificatifs associés, un salarié porté a en effet, la possibilité de demander à son entreprise de portage, une prise en charge des frais directement liés à une mission. C’est par exemple le cas pour des frais de déplacement ou des frais de repas et cela permet d’éviter de payer les cotisations sociales afférentes à ces sommes (les frais ne constituant pas du salaire, ils ne sont pas soumis aux cotisations sociales). Ces frais sont directement prélevés sur le compte consultant du salarié porté. C’est un des avantages du portage salarial par rapport à la micro-entreprise.
Or, certains des derniers redressements effectués par l’URSSAF viennent fortement limiter cette possibilité.
L’URSSAF a retenu dans plusieurs cas similaires l’établissement de l’entreprise cliente comme lieu de travail habituel d’un salarié porté, arguant du fait que ces derniers occupaient un poste sédentaire au sein de l’entreprise cliente.
Les salariés portés n’étant pas considérés en situation de déplacement professionnel par l’URSSAF, les sommes versées pour couvrir les frais de déplacement et de repas doivent être soumises aux cotisations et contributions sociales.
Cette appréciation de la notion de déplacement professionnel par l’URSSAF conduit à des régularisations importantes pour les entreprises de portage salarial inspectées, fragilisant leur modèle économique.
D’après nos informations, les partenaires sociaux, soucieux de réduire le risque de redressement en cas de contrôle de l’URSSAF, et de permettre aux salariés portés de déduire les frais liés à leur activité, ont ouvert une réflexion sur le sujet.
L’article 23 de la convention collective du portage salarial mentionne qu’il appartient au salarié porté de choisir son lieu de travail.
Le lieu de travail est déterminé par le salarié porté en fonction de ses lieux d’activité.
Une nouvelle rédaction devrait voir le jour dans les prochaines semaines afin de mieux pendre en compte la réalité du quotidien des salariés portés (une grande partie de l’activité des salariés portés est effectuée à domicile : prospection, formation, préparation des missions …).
Le temps de travail en portage salarial
La deuxième partie des redressements de l’URSSAF qui nous ont été communiqués ont trait à des problématiques liées au temps de travail, et plus précisément à la possibilité pour un salarié porté d’être considéré comme étant à temps partiel.
Pour être valable, un contrat de travail à temps partiel doit comporter plusieurs mentions obligatoires. L’une d’elle est difficilement compatible avec le fonctionnement opérationnel du portage salarial : la répartition de la durée du travail. Le contrat doit en effet indiquer la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine, et ce préalablement à la réalisation de la mission par le salarié porté.
Or, dans la plupart des process mis en place par les entreprises de portage salarial, le temps de travail est déclaré par le salarié porté dans son compte rendu d’activité (celui-ci sert ensuite de base à l’établissement du bulletin de paie), après la réalisation de la mission.
L’un des enjeux de la validité d’un contrat à temps partiel en portage salarial réside dans la possibilité d’appliquer un abattement sur le plafond mensuel de la sécurité sociale (on parle de plafond réduit) pour le paiement des cotisations sociales des salariés portés concernés.
Si le salarié porté n’est pas considéré comme étant à temps partiel, il n’aura pas droit à « l’abattement d’assiette pour temps partiel », qui sera calculé comme s’il était à temps plein.
NOTA BENE
Les salariés, qui ont signé convention de forfait en jours sur l’année ne peuvent pas être considéré comme des salariés à temps partiel, même ils ont signé un forfait jours dit réduits (par exemple 135 jours par an). A ce titre, ils ne peuvent pas non plus se voir appliquer « l’abattement d’assiette pour temps partiel ».
Sans entrer dans le détail du calcul, l’application de cet abattement sur le plafond mensuel de la sécurité sociale pour les salariés à temps partiel permet une réduction du montant total des cotisations sociales afférentes au salaire.
Un exemple pour comprendre le principe du plafond réduit :
Un salarié porté travaille à temps partiel (50 %, soit 17h30 par semaine) pour un salaire brut de 3 500 euros.
Le plafond réduit est obtenu par la formule suivante : Valeur mensuelle du plafond (3 377 euros en 2019) X (durée du travail / durée légale du travail).
Le plafond d’un salarié porté à temps partiel qui travaille 50 % de la durée légale est donc réduit de moitié. Il paiera ses cotisations sociales plafonnées sur une assiette réduite (1 688 euros au lieu de 3 377 euros).
Pour mieux comprendre l’impact du plafond réduit, prenons l’exemple de la cotisation assurance vieillesse plafonnée. Elle est égale à 15,45 % du plafond (8,55 % pour la partie patronale et 6,90 % pour la partie salarial).
Cotisation vieillesse réduction du plafond (contrat à temps partiel valide) : 260,8 euros.
Cotisation vieillesse sans réduction du plafond (contrat à temps partiel non valide) : 521,6 euros.
Quelles conséquences pour le salarié porté et les entreprises de portage salarial ?
L’URSSAF a mis en avant, au cours de plusieurs redressements, le caractère non valide de l’application d’un plafond réduit, compte tenu d’éléments manquants comme par exemple une feuille d’émargement préalable à la mission ou contrat de travail détaillant la répartition de la durée du travail.
Cette application stricte du droit a des conséquences sur le montant des cotisations sociales payées par un salarié porté.
Seule une adaptation du cadre légal du temps partiel au portage salarial (via la création d’un dispositif propre ?) semble capable de sortir les entreprises de portage salarial de cette impasse. Les partenaires sociaux de la branche devraient se saisir de cette question pour tenter d’apporter des premiers éléments de réponses.
La spécificité du portage salarial sera-t-elle prise en compte à l’avenir ? Les entreprises de portage mettront-elles fin au contrat de travail à temps partiel ?
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