Interview d’Hicham El Maniari, fondateur de la société de portage salarial Weepo
02/06/2021Le portage salarial est un secteur qui bouge, évolue, porté lui aussi par des femmes et des hommes qui veulent changer les choses, faire bouger les lignes et qui s’en donnent les moyens.
Pour ce nouvel épisode des interviews des entrepreneurs du portage salarial, nous avons eu le plaisir d’échanger avec le dirigeant de WEEPO, Hicham EL MANIARI.
C’est parti pour la troisième interview des entrepreneurs du portage salarial !
Bonjour, avant d’échanger sur la situation actuelle, pourrais-tu nous en dire un peu plus sur toi, ton parcours, et ce qui t’a amené au portage salarial ?
Bonjour, et merci pour l’invitation.
Je m’appelle Hicham EL MANIARI, j’ai 32 ans et je suis un serial entrepreneur. Il y a 6 ans, j’ai quitté mon poste de consultant IT Strategy chez Accenture pour me lancer dans l’entreprenariat. À l’époque, je ne voulais pas créer ma propre entreprise tout de suite tant que je n’avais pas testé mes capacités à signer des contrats. Je me suis donc mis à chercher des solutions et je suis tombé sur le portage salarial. Ce statut hybride à mi-chemin entre la création d’une société et la sécurité du salariat.
Ma première expérience avec une société de portage n’a pas été top. Au bout de seulement 3 mois, j’ai mis un terme à notre collaboration et j’ai décidé de lancer mon entreprise.
Je suis actuellement le CEO de WERIN GROUP, une ESN spécialisée dans la qualité logicielle et la transformation agile. Nous sommes 140 personnes et avons réalisé 12 M€ de chiffre d’affaires sur 2020 avec une projection de 18 M€ sur 2021.
Au fil des années, mon équipe a travaillé avec des consultants en portage salarial qui eux aussi avaient des soucis avec leurs entreprises de portage salarial (EPS) (Des retards de paiement, des fiches de paie non compréhensibles, non remboursement des frais, des erreurs de calcul) … Bref, il y avait tout le temps quelque chose qui ne fonctionnait pas. Nous avons donc pris la décision en interne de créer notre propre structure dédiée au portage salarial pour porter uniquement nos consultants qui interviennent chez nos clients.
Vous le comprenez, nous avons investi 0€ en marketing dans cette filiale. Avec le temps, la qualité du service rendu au consultant a fait que cette activité qui était considérée comme annexe s’est détachée du groupe pour voler de ses propres ailes.
C’est comme ça que je me suis retrouvé dans le board de WEEPO.
Est-ce que tu peux partager avec nous ta vision du portage ?
Nous vivons dans un monde en constante évolution. L’information est accessible de façon instantanée, l’intelligence artificielle est omniprésente dans notre quotidien et les clients sont de plus en plus exigeants.
Sur le marché, le portage est perçu comme le fait de transformer un chiffre d’affaires en salaire, et de faire l’intermédiaire entre consultant et donneur d’ordre.
Chez WEEPO, nous considérons le portage salarial comme une mission d’intérêt général. Dans laquelle on va :
- Accompagner les jeunes diplômés dans leur insertion dans le monde du travail ;
- Accompagner des consultants dans la validation de leurs marchés en vue d’une création d’entreprise et donc d’emploi ;
- Accompagner des chercheurs d’emploi dans la réinsertion professionnelle et donc de participer indirectement à la baisse du chômage ;
- Accompagner des profils seniors sur les dernières années d’activités en vue d’une retraite pleine.
Personnellement, je considère que le portage salarial est un projet personnel avant que cela soit professionnel. Lors de mes rendez-vous, je demande toujours pourquoi vous êtes en portage salarial pour que je puisse comprendre le chemin à donner à l’entretien.
Comment tu présentes le dispositif pour séduire de nouveaux salariés portés ? Qu’est-ce qui vous différencie chez WEEPO sur le marché concurrentiel du portage salarial ?
Chez WEEPO, nous avons tout mis en œuvre pour automatiser le processus du portage et libérer du temps pour le réinvestir dans l’accompagnement personnel du consultant.
Nous avons passé beaucoup de temps en R&D pour sortir une IA qui donne le maximum d’autonomie au consultant. Ainsi, un consultant qui s’est déjà mis d’accord avec un client peut se connecter sur WEEPO, créer son profil, celui de son client, générer un bon de commande, un contrat de travail, une facture, une fiche de paie, exécuter un virement …
Tellement d’autonomie avec une intervention humaine quasi inexistante … On peut dire qu’on a transformé le portage salarial en un service en ligne accessible 24h/24 7j/7 complètement automatisé (SaaS). Ce qui nous permet de mettre l’opérationnel de côté et de nous consacrer à la personnalisation de chaque consultant pour l’accompagner au mieux dans l’exercice de ses missions.
Face à la crise, le portage salarial a été durement impacté, comment as-tu géré cette situation exceptionnelle ? Qu’est-ce que ton équipe et toi avez mis en place pour aider les salariés portés à traverser cette période difficile ?
Je pense que le premier confinement était violent dans tous les sens du terme. Personne ne l’a vu venir.
Les clients ont quasiment tous suspendu l’intervention des consultants qui se sont retrouvés du jour au lendemain sans mission.
Le gouvernement a mis en place un dispositif de chômage partiel mais durant les premières semaines personne ne savait si les salariés portés y avaient droit ou pas.
De notre côté, nous l’avons mis en place dès que ça a été annoncé. D’un point de vue trésorerie, nous avons avancé l’équivalent de deux mois de chômage partiel pour une grosse partie de nos consultants. Au fond de nous, nous étions prêts à perdre cet argent si la demande d’indemnisation était refusée. Cela aurait été un geste de solidarité de notre côté.
Les dispositifs de formation ont aussi été très sollicités par nos consultants qui ont souhaité profiter de cette période pour monter en compétences ou passer des certifications.
De ce fait, le service paie et formation ont tourné à 130% de leurs capacités. Ceci dit, nous n’avons jamais facturé ces prestations même si le coût d’exploitation a augmenté et que les revenus ont chuté (Pas de chiffre d’affaires, pas de marge).
Au-delà de cette gestion de la crise, parle-nous un peu de l’actualité de WEEPO, vos projets, vos ambitions.
WEEPO n’est pas une société de portage salarial conventionnelle. En interne, nous mettons tout en œuvre pour proposer une nouvelle façon de travailler. Notre prochaine étape consiste à abandonner le modèle consistant à facturer un % du CA au profit d’un nouveau modèle fixe sous forme d’abonnement.
L’idée est d’évoluer vers un mode SaaS maintenant que tout est automatisé, et en fonction du niveau d’abonnement le consultant aura ou pas un suivi personnalisé par un conseiller dédié.
Ce modèle a retenu l’attention de la BPI qui nous soutient via des dispositifs d’aide à l’innovation dédiés aux startups innovantes. Nous sommes la seule société de portage salarial qui est reconnue Jeune Entreprise Innovante (Label French Tech).
Nous continuerons donc d’investir massivement dans notre technologie pour atteindre notre objectif #504GatewayOnTime (pour faire allusion au message d’erreur 504). L’objectif est d’atteindre les 50M€ de CA dans 4 ans, ce qui fera de WEEPO un des leaders du portage salarial en France.
Une fois cette étape franchie, et avec notre partenaire BPI et pourquoi pas d’autres investisseurs, nous préparons l’internationalisation du produit dans des pays où des dispositifs similaires sont déjà mis en place.
Le portage salarial a globalement tenu ses promesses en matière de protection sociale face à cette crise sanitaire et économique. Pour l’avenir, tu vois des améliorations souhaitables du dispositif d’un point de vue légal ou au niveau de la branche ?
Les sociétés de portage salarial font le lien entre les consultants et les donneurs d’ordres.
Elles ont donc accès à des clients (souvent ESN) et les CV des consultants en face.
On constate que des EPS se substituent aux cabinets de conseils et aux ESN et mettent en place sur leurs sites un listing de missions à pourvoir. De ce fait, l’EPS sort de son périmètre d’exercer uniquement en portage salarial pour se transformer en ESN.
Le code de déontologie le prévoit déjà mais des sanctions doivent être mises en place pour que chaque acteur reste dans son périmètre. Une EPS accompagne un consultant expérimenté qui a déjà un client, et ne cherche pas un consultant pour un client ou partenaire.
Ce même code de déontologie doit prévoir à mon sens des sanctions pour les EPS pratiquant les frais cachés. Le sujet étant entre les mains de la justice et de la branche. Nous espérons qu’il aboutira rapidement.
De manière plus générale, c’est quoi le « Monde d’après » en termes d’emploi selon toi ?
Le monde d’après sera fait de plein d’opportunités. Avec le remote le marché d’emploi devient international. Je le constate tous les jours avec cette crise. Nous avons des salariés portés qui habitent en France et qui ont des clients au Canada, Allemagne, Espagne, USA, et nous sommes très fiers de pouvoir leur faciliter la tâche et les accompagner tous les jours.
Un coup de gueule, un partage, une suggestion, une maxime, ou juste un merci… la parole est à toi…
L’évolution souhaitée est au niveau de l’administration fiscale à qui je demande depuis cette tribune de regarder de plus près le cas des salariés portés via des structures à l’étranger. Ces sociétés versent souvent un salaire en France via leurs filiales françaises et une grosse partie du CA du consultant remonte à un autre pays pour ensuite redescendre sous forme de dividendes.
De tels montages permettent bien évidemment un taux de transformation CA très élevé et nous ne pourrons jamais rivaliser vu les taux des cotisations en France. Cela porte évidemment préjudice à des sociétés honnêtes comme la nôtre qui souhaite simplement faire son petit bout de chemin et faire bouger les lignes.
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