Paiement des cotisations URSSAF et portage salarial : une 1ère victoire pour le secteur
21/01/2020Le tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement le 3 septembre 2019 qui va rassurer bon nombre d’entreprises de portage salarial. Le contentieux entre une entreprise de portage et l’administration fiscale portait sur un retard de règlement des cotisations URSSAF, contesté par l’entreprise. Celle-ci a eu gain de cause, le tribunal ayant pris en considération la spécificité de cette forme d’activité atypique.
Nous avions déjà eu l’occasion de décrire les relations, parfois compliquées, entre l’URRSAF et les entreprises de portage salarial. Ce « désamour », né d’une série d’incompréhensions, dure depuis plusieurs années, et mine bon nombre d’entrepreneurs du secteur. A tel point que les entreprises du secteur mettent en avant le besoin de clarification des relations avec l’URSSAF comme leur priorité n°1 dans le premier rapport de branche récemment publié.
Le 3 septembre 2019, le tribunal de grande instance (TGI) de Paris est venu prendre position, en donnant raison, sur la forme comme sur le fond, à une entreprise de portage salarial qui contestait le retard de règlement de cotisation que lui reprochait l’organisme de recouvrement.
Si l’URSSAF a déjà fait appel de cette décision, une nouvelle étape vient d’être franchie dans la compréhension et la prise en compte de ce dispositif innovant qui séduit tous les jours de plus en plus de personnes.
Retour sur une décision qui, espérons-le, fera date !
Portage salarial vs URSSAF : pourquoi tant de haine ?!
Au vu des spécificités du portage salarial, il était prévisible que les relations soient quelques peu tendues
avec l’administration française. Le portage salarial n’en est pas à son premier combat, il fut un temps, désormais révolu, où c’était avec Pôle emploi qu’il fallait batailler pour que salariés portés puissent bénéficier de l’assurance chômage.
Le problème dans cette affaire, qui est un véritable cas d’école dans le secteur, est la réclamation par l’URRSAF du paiement de cotisations sur des avances de rémunération versées par les entreprises de portage salarial à leurs salariés portés.
En effet, il n’est pas rare que les entreprises clientes
mettent un certain temps pour régler les sommes dues aux salariés portés, surtout si la prestation s’étend sur plusieurs mois. Dans ce cas, l’entreprise cliente
paye parfois à la fin de la mission, le consultant salarié porté travaillant pour elle comme un indépendant.
En pratique, de nombreuses entreprises de portage
salarial ont mis en place un paiement en deux temps :
- L’équivalent du salaire minimum prévu par la convention collective rapporté au temps travaillé dans le mois (77% du PLFSS 2017) que l’on peut ici considérer comme une avance de trésorerie effectuée au bénéfice du salarié porté.
- L’éventuel reliquat une fois que le client a
versé l’intégralité de la facture émise par l’entreprise de portage salarial.
Ce sont sur ces « avances de rémunération » que l’administration fiscale réclamait à l’entreprise de portage salarial le paiement de cotisations, appliquant strictement les règles. Autant dire que pour l’entreprise de portage salarial (EPS), c’était la double peine, et un enjeu vital en termes de trésorerie.
Une histoire de timing dans le paiement des cotisations de l’EPS…
Dans cette affaire, l’EPS a décidé de procéder au paiement
des cotisations afférentes aux missions de ses salariés portés, une fois reçu
le paiement des entreprises clientes, et non au moment du paiement de
l’avance de rémunération qu’elle consentait à ses salariés portés.
Bien évidemment, cette bravade n’a pas été du goût de l’URSSAF.
Malgré plusieurs tentatives de l’entreprise d’expliquer le
fonctionnement du portage salarial et son impossibilité d’assumer à la fois
une avance de rémunération et le paiement des cotisations afférentes, alors
qu’elle n’avait pas reçu l’argent des clients du salarié, l’URSSAF a fait la
sourde oreille et a poussé l’entreprise au contentieux.
… mais les mises en demeure faites par URSSAF ne respectaient pas la procédure !
Comme le dit l’adage, « Dure est la loi, mais c’est la
loi ». Et personne n’est censé l’ignorer, l’URSSAF y compris. C’est ce que
rappelle la juridiction de première instance, en indiquant à l’organisme social
les principes qu’il aurait dû respecter.
L’URSSAF a en l’espèce, comme souvent d’ailleurs, effectué
de nombreuses mises en demeure et contraintes pour obtenir le règlement des «
retards » de paiement de cotisation de la part de l’entreprise de portage.
Ces procédures, très utilisées par l’administration fiscale,
doivent respecter un certain formalisme.
Le tribunal l’a d’ailleurs rappelé en indiquant dans sa
décision « qu’il est de jurisprudence constante que la mise en demeure
et la contrainte doivent permettre au cotisant d’avoir connaissance de la
nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ».
Malheureusement pour l’URSSAF, le juge a considéré que
« les mentions laconiques » utilisées, citées dans la décision, « ne
renseignaient pas la société de portage sur la cause ou l’origine de ses
dettes ». Celles-ci ont donc toutes été purement et simplement annulées.
Si c’est en soit une belle victoire, elle ne fait en
pratique que reculer l’échéance, l’URSSAF pouvant « reformuler » ses
mises en demeures et contraintes, tant que le délai de prescription n’est pas
dépassé.
C’est d’ailleurs pour cette raison que la position du
juge sur le fond de l’affaire revêt une si grande importance !
Un tribunal qui prend finalement position en faveur de l’entreprise de portage salarial
Dans cette affaire le TGI s’est étonnamment, mais utilement,
positionné sur le fond de l’affaire. C’est étonnant parce que les mises en
demeure et contraintes étaient annulées, donc il n’avait pas besoin d’aller
plus loin. Pour autant, le tribunal a « néanmoins tenu à indiquer explicitement sa position sur le second moyen soulevé d’office par la
société », à savoir le fait pour elle de ne pas devoir payer des cotisations sociales sur des avances de rémunération !
Les magistrats ont certainement voulu faire passer un message fort, à l’URSSAF, mais aussi à la cour d’appel qui sera amenée à juger cette affaire dans les prochains mois.
Pour le TGI, pas de doute : « la seule preuve de la réalité du travail effectué par le salarié porté est le paiement de la facture par l’entreprise cliente ».
Et d’ajouter que « même si la société a versé des avances de rémunération aux salariés portés avant que les prestations ne soient réalisées, les cotisations sociales afférentes n’étaient pas exigibles
pour autant ».
Pour le tribunal, ces avances faites aux salariés portés ne peuvent donc constituer, compte tenu des spécificités du portage salarial,
le fait générateur des cotisations.
Espérons que cette prise de position courageuse saura inspirer les magistrats de la cour d’appel de Paris…
À suivre donc…
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